Vers l’abîme de Erich Kästner

Publié par Lucie Lebreton, le 22 décembre 2020.

        L'oeuvre "Vers l'abîme" a été écrite par Erich Kästner en 1931. Ce récit, brûlé en 1933 lors de l'autodafé organisé à Berlin par les nazis, met en scène Fabian, un jeune Berlinois des années 30. A travers son histoire, le lecteur découvre tous les recoins de Berlin et toutes les facettes de la société allemande de l'entre-deux-guerres, sans tabou et sans langue de bois. 

 

        Dès les premières pages, on ne fait qu’un avec Fabian. C’est autour de lui que va tourner tout le récit, ou plutôt c’est lui qui va faire tourner le récit. A travers son regard, on découvre tous les recoins de Berlin, des clubs échangistes, au monde universitaire. Fabian est décrit comme passif, observateur, scrutant ce monde allant vers l’abîme.

        Le titre allemand met bien en lumière cette idée « Die Geschichte eine Moralisten », l’histoire d’un moraliste, est claire. Au contraire, je ne le qualifierai pas de passif. Il agit. Il se questionne. Pour moi c’est cela l’action. Et ces interrogations nous amènent, nous lecteurs, à re considérer notre propre monde, notre propre ville.

La ville, un personnage qui ne dit pas son nom

        Fabian est un citadin. Fabian est un élément de la ville. C’est un élément en mouvement. Son regard est omniscient. Il connaît l’entière identité de Berlin. A travers Fabian, l’auteur ne nous montre pas la façade de Berlin. Il rentre dans ses moindres recoins, ses moindres failles. Chaque élément de la ville façonne l’intrigue. On pénètre dans les bars libertins, les bureaux des journaux, on découvre le monde de la rue, on entre dans ses cafés.

        Dès les premières lignes, le ton est lancé. Fabian est dans un café berlinois, et il pose une seule question au serveur. Doit-il rester ou partir ? Le serveur lui dit de rester, réponse que Fabian ne prend pas en compte. Il paye et part sillonner les ruelles de Berlin, sans but.

        Mais c’est bien plus que ça. La ville est le reflet de la vie de Fabian. Kästner a ce don de faire vivre la ville. Berlin est en mouvement. Berlin est au cœur de l’intrigue. Après le licenciement de Fabian, ce dernier se retrouve dans une gare. Le lieu décrit le ressentiment, la situation de Fabian. Tous les sens sont en éveil. On perçoit le chaos, le bruit assourdissant, qui vibre en Fabian. Toute cette énergie citadine, angoissante, fait corps avec le vécu de Fabian.

         La ville reflète l’intrigue. La ville n’est pas un lieu, c’est un personnage à part entière, c’est le double de Fabian.

La ville, témoin d’un monde qui vacille

        Fabian est un allemand trentenaire des années 30. Il construit sa vie dans le monde de l’entre deux guerres. Il évolue dans ce monde instable, dans ce monde qui vacille.

        Tel un moraliste, il observe. Il décrit. Il est le témoin de cette Allemagne qui tente tant bien que mal de garder la face. Cette période est telle un tunnel dont on ne connaît pas la fin. La vie continue, évolue, mais on ne connaît pas l’issue.

        A travers les différents aspects de la ville, Fabian montre cette chute vers l’abîme. Berlin est la témoin des premières tensions entre les nazis et les socialistes. Les premières interactions violentes éclatent dans ses ruelles. En parallèle de cette réalité politique, la réalité économique s’établit également sur les places berlinoises. La hausse du chômage, la raréfaction des embauches, touche les individus de cette ville, à l’image de Fabian.

        La « débauche » des années 30 prend vit dans les bâtiments délabrés du Berlin caché. Excès d’alcool, prostitution, Fabian ne cache rien. Les tabous sont brisés. La ville est donc le premier témoin de ces périodes charnières. La ville voit. La ville perçoit. La ville comprend.

        Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec notre situation actuelle. Bien plus qu’un lieu, la ville prend part à notre histoire. C’est pourquoi, dans cette période de crise sanitaire, la ville ne doit pas être oubliée. Penchons nous sur cette ville, seule elle connaît tous les ressors, toutes les facettes de notre société.

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